La crise sanitaire a enclenché un mouvement tectonique dans la recomposition des modèles de gouvernance et de protection des données de santé dans le monde, tout en servant d’accélérateur à l’investissement des grandes entreprises du numérique dans le domaine de la e-santé. La présente étude propose une analyse comparative des modes de gestion des données de santé de l’Union européenne, des États-Unis et de la Chine dont les recompositions et les confrontations seront une composante essentielle des rapports de force futurs au sein de ce triangle stratégique. Les données étant la matière des flux numériques transnationaux, la compréhension de ces modèles permet de dépasser la simple dimension juridique pour concevoir leur articulation, leurs frictions et leurs influences mutuelles comme un enjeu de politique internationale à part entière entre ces trois pôles majeurs de l’économie numérique mondiale.
La pandémie de COVID-19 a révélé les carences des modèles de gouvernance préexistants dans chaque région du monde et la nécessité de tendre vers un modèle de gestion des crises de santé publique « par la donnée de santé ». Pour l’Europe et pour la France en particulier, la crise sanitaire a été en outre le révélateur d’une longue « innocence technologique » dont les conséquences sont en train d’être mesurées par les pouvoirs publics. Malgré ce réveil stratégique, des questionnements subsistent sur la capacité des Européens à coopérer efficacement et à avancer vers un espace commun du numérique en santé, sans disposer pour l’instant d’alternatives industrielles comparables aux géants du numérique américains et chinois.
Au terme de cette étude, un constat majeur semble s’imposer : l’une des ondes de choc de l’épidémie de COVID-19 sera numérique. En affectant durablement les rapports entre les États, les entreprises et les citoyens, la crise sanitaire a fait entrer les nations dans le XXIe siècle « géotechnologique », dans lequel les données de santé constitueront l’un des principaux vecteurs de puissance et de richesse.